Santé

Véritable cabinet d’ophtalomogie sur roues, ce camion sillonne les déserts médicaux

Depuis début novembre, le véhicule parcourt les villages du Maine-et-Loire désertés par les ophtalmologues libéraux

« Merci de patienter en salle d’attente », lit-on sur la porte arrière d’un camion blanc, stationné près d’une maison de retraite de la campagne angevine, chauffé et aménagé comme un cabinet d’ophtalmologue. C’est là que Marylène est venue consulter avec son fils Paul, 9 ans, qui a besoin de lunettes.

« L’école nous a conseillé de consulter un ophtalmo. D’habitude il faut attendre six à neuf mois pour un rendez-vous, et l’année scolaire est déjà passée. Là, ça s’est fait en trois semaines, sur Doctolib. Ça permet aux enfants d’être corrigés rapidement et de suivre une scolarité normale, surtout en CP/CE1 », témoigne Marylène Marie, 34 ans.

Depuis début novembre, le camion « Tom », pour « télé ophtalmologie mobile », sillonne les villages du Maine-et-Loire désertés par les ophtalmologues libéraux pour proposer des téléconsultations au plus près de la population. Présentée comme une première en France, l’opération est portée par le CHU d’Angers et ses hôpitaux partenaires.

« Le constat est simple. La moyenne d’âge en ophtalmologie c’est 57 ans. Il y a une énorme pénurie dans cette spécialité, avec des zones où il n’y a plus d’ophtalmologue et où il n’y en aura plus car ils s’installent dans les grandes villes et ne reviendront pas », explique à l’AFP Maximilien Courtois, cofondateur de la société « Tom ».

Le lieu de consultation, en général le parking d’un centre hospitalier, varie selon les jours de la semaine : Chemilé-en-Anjou, Longué-Jumelles, Terranjou… À l’intérieur, un équipement flambant neuf permet de réaliser des fonds d’œil sans dilater l’œil, d’observer l’épaisseur de la rétine ou de diagnostiquer une éventuelle cataracte avec une lampe à fente.

« C’est un mélange de technologie de pointe et de logistique plus ancienne, le camion, comme celui du boulanger qui tournait dans le village pour distribuer le pain », commente M. Courtois.

Les patients sont accueillis par un orthoptiste qui réalise l’ensemble des examens de contrôle et d’imagerie. De l’autre côté de l’écran, un ophtalmologue du CHU d’Angers contrôle les examens en temps réel, analyse les images et dresse une synthèse au patient par visioconférence.

« Renonciation aux soins »


« Quand je suis fatiguée, je vois flou, et le soir, avec la fatigue, je ne vois pas bien les panneaux au volant », raconte Aglaé Gauthier, 19 ans, qui sort de son rendez-vous avec une ordonnance de lunettes.

À une vingtaine de kilomètres, Camille Delibes, ophtalmologue fraîchement diplômée, suit attentivement la consultation depuis le service d’ophtalmologie du CHU. Sept ophtalmos se relaient pour des vacations d’une semaine avec les patients de « Tom ».

« Le fait d’être assistée par un orthoptiste me permet de voir une vingtaine de patients par demi-journée contre 12 habituellement à mon cabinet », observe Mme Delibes.

Devant son ordinateur, elle commente le déroulé de la consultation. « Là, c’est l’examen du segment antérieur de l’œil, je vois la cornée, la chambre antérieure, la pupille. Certes on ne peut pas tout diagnostiquer à distance, mais si on a un doute on reconvoque le patient à l’hôpital ou on demande des examens complémentaires », précise-t-elle.

À l’origine de ce projet de « télé ophtalmologie » ambulante, le chef du service d’ophtalmologie du CHU d’Angers, Philippe Gohier. « Le sujet, c’est l’égalité d’accès aux soins. Il y a beaucoup de gens âgés en zone rurale ou semi-rurale à qui cela fait peur de prendre leur voiture pour venir en ville et qui ne se font plus soigner », explique-t-il.

« Ce système axé sur les soins simples et le dépistage permet de lutter contre la renonciation aux soins », poursuit Philippe Gohier. Le médecin reconnaît toutefois que « l’annonce d’un diagnostic difficile ne peut pas se faire derrière une caméra ».

Pour certains patients, la présence physique d’un médecin reste malgré tout indispensable.

Séverine, 49 ans, est venue avec sa fille Zoé pour changer des lunettes cassées. « L’examen s’est bien passé mais je trouve que la télémédecine enlève de l’humain. Il va falloir mettre des limites dans ce système, attention au tout numérique, surtout pour le médical ! », confie-t-elle.

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