Ezzedine Cherif : « Split veut devenir leader africain du covoiturage »
Avec une inflation galopante, une levée progressive des subventions sur le carburant, des transports publics désuets, dont la rénovation du parc de véhicules peine à se faire, les Tunisiens sont confrontés à des défis quotidiens en raison d’une mobilité urbaine tendue et insuffisante. Afin d’alléger les conséquences de l’urbanisation peu contrôlée ainsi que de l’amenuisement de l’espace urbain disponible, l’application de transport, Split, répond à plusieurs problématiques de mobilité urbaine.
En reprenant les codes des transports en commun, l’application propose un service de covoiturage aussi simple, pratique et fiable que les moyens conventionnels. Que vous soyez conducteur ou passager, vous pouvez désormais déclarer ou effectuer des demandes de covoiturage en un rien de temps. Split a multiplié les lancements depuis 2019, les réussites et les échecs sous l’impulsion de son CEO et co-fondateur, Ezzedine Cherif. Rencontres.
Où en est le développement de Split ?
Nous avons commencé en février 2019, bientôt trois ans qu’on travaille dessus ! Durant cette période, nous avons eu beaucoup de problèmes au fur et à mesure du développement car nous étions trois juniors, étudiants à l’IHEC, qui avaient l’ambition de monter une startup tech.
Le montage de ce projet a été plus long que prévu, notamment à cause du Covid et des mesures restrictives de déplacement. L’application a été lancée, le 4 octobre 2021, et aujourd’hui nous comptabilisons déjà 20.000 utilisateurs, sans avoir quitté le top 5 sur l’Apple Store et sur Google Play.
Les personnes qui ont été transportées ont vu la durée de leur déplacement passer de trois heures à une demi-heure. Et non seulement la durée du trajet est réduite, mais surtout les passagers ont la possibilité de dormir plus longtemps, en supprimant les correspondances. Cela permet de faire en sorte que les étudiants d’une même université soient sur le même piédestal, avec la même énergie pour se concentrer durant les cours.
Les Tunisiens qui ne sont pas motorisés doivent faire face à une mobilité spatiale réduite pour réaliser des trajets quotidiens entre leur domicile, le lieu de leurs études ou le lieu de travail.
Outre les tarifs avantageux, la flexibilité et la convivialité, qu’est-ce qui pourrait pousser les usagers à se déplacer hors des sentiers battus ?
Le covoiturage permet de donner les mêmes chances de réussite entre les personnes motorisées et ceux qui mettent près de trois heures pour arriver en cours. C’est une énorme charge mentale qui est réduite. Avec un trajet aussi chronophage, comment l’étudiant peut-il absorber les informations délivrées en cours, ou un employé peut-il être productif au travail ?
Quelqu’un qui habite dans une zone mal desservie peut subir une exclusion sociale plus accentuée que celle de ses pairs. L’exclusion professionnelle est également à prendre en compte puisque l’inaptitude à la mobilité est souvent prise en compte par le recruteur.
Nous avons comparé pour certains itinéraires de la capitale, la durée moyenne du trajet en voiture à celle dans les transports publics, soit trois heures et demie pour arriver à destination en transports en commun contre une demi-heure en voiture. Et pour le coup, environ 200 heures de sommeil ont été économisées depuis le lancement, et une économie de 0.5 tonne de CO2 a été réalisée avec les personnes que nous avons transportées.
Quel est le coût moyen d’un trajet Split?
Du centre-ville à Carthage le tarif appliqué est 2 dinars en moyenne. Finalement, les usagers vont partager uniquement le coût engendré par l’utilisation de la voiture. Split n’est pas une application qui va faire rendre ses utilisateurs riches, mais un conducteur qui dépense entre 10 et 20 dinars en carburant pourrait amortir ses dépenses puisque d’autres personnes cotiseront et participeront aux frais.
En deux ans de crise sanitaire et d’enseignement hybride et à distance, comment s’est portée Split ?
Au total, nous avons eu six tentatives de lancement. Elles ont toutes été ratées, sauf la dernière. Il fallait que ces lancements échouent pour arriver à une version optimale de Split. La crise sanitaire a été atroce pour Split puisque nous étions en pleine levée de fonds.
C’était de la survie et nous avons réussi à tenir à ce qui s’apparenterait aux Hunger Games de l’entrepreneuriat. Il y a un grand nombre de personnes qui paient encore les pots cassés du Covid, que cela soit par des crédits, des licenciements et démissions ou même par des faillites d’entreprises.
Quels sont vos objectifs sur le court et le moyen termes ?
Sur le court terme, nous visons 100.000 utilisateurs dans les 5 prochains mois. L’objectif sera de s’internationaliser très rapidement ensuite, notamment en Afrique. Split se positionne en tant qu’application africaine et le but est d’ouvrir dans 13 pays en Afrique et d’en devenir le leader du covoiturage.
De plus, nous œuvrons à la proposition d’autres moyens de transport comme les bus et les taxis, puisqu’au final, Split permet de proposer un trajet d’un point d’un endroit à un autre, selon un système de partage de coûts.