Économies

dans ce restaurant, les cuisiniers sont des réfugiés en insertion professionnelle

Depuis janvier 2020, cette restauratrice parisienne tend la main aux réfugiés tibétains, sénégalais, afghan…

Ils sont Tibétains, Sénégalais ou Afghans, et cuisinent pour le restaurant L’Amour et la Folie à Paris (17e de Paris). Faute de trouver des remplaçants aux salariés ayant raccroché leur tablier lors de la crise sanitaire, la restauratrice Véronique Hoog a fait appel à Refugee Food qui aide à l’insertion des réfugiés dans la restauration. Plus qu’une solution, cette collaboration a finalement structuré l’ADN culinaire de cette nouvelle table parisienne ouverte par une femme au parcours atypique…

Avant de devenir restauratrice, vous avez embrassé une tout autre carrière : vous étiez commandant de bord. Racontez-nous.

Ma carrière s’est concentrée sur le moyen-courrier au sein du groupe Air France. Je fus l’une des rares femmes commandant de bord jusqu’en 2015. Je suis entrée dans l’aéronautique à la fin des années 80. J’ai volé vers la Pologne, l’Italie, l’Afrique du Nord… Au sein des filiales d’Air France, j’étais même la seule femme pilote, ce qui me posait quelques soucis avec les opérateurs au sol. Heureusement, mon caractère m’a permis de m’affirmer. Souvent, on se méprenait sur mes fonctions et on me prenait pour une hôtesse de l’air. Le mécanicien s’adressait automatiquement à mon copilote. Aujourd’hui, il faut souligner que ce genre de situations existe beaucoup moins !

« La cuisine du monde est ainsi devenue notre reflet. […] Notre critère de recrutement consiste à privilégier l’ouverture d’esprit. »

De l’aéronautique à la restauration, il y a un monde. Pourquoi avoir choisi de débarquer dans ce milieu professionnel ?

Après près de trente ans passés dans un avion, j’ai eu besoin de tourner la page et m’engager dans une autre voie. J’adore les épices, j’adore le vin, j’adore la gastronomie. J’ai donc eu envie de m’associer à mon fils, qui lui travaille dans la restauration.

Comment le projet de votre restaurant l’Amour et la Folie a-t-il démarré ?

On a lancé le restaurant en janvier 2020. Le mois suivant, nous étions acceptés au Collège Culinaire de France. Et mars suivant, le confinement a été imposé. Le démarrage fut donc très compliqué compte tenu de la crise sanitaire. Ensuite, nous avions bien l’autorisation d’installer une terrasse, mais nous avons tout de même été sous le coup d’amendes de la part de la mairie du XVIIe. Nous avons ainsi finalement décidé de remballer toutes les tables et les chaises, ce qui fut très difficile. Nous avons réalisé un peu de vente à emporter, mais nous n’étions pas encore connus, ce qui ne permettait pas d’honorer assez de commandes. Nous avons donc dû nous battre pour exister.

Finalement, comment avez-vous abordé la nouvelle période qui s’ouvrait avec la réouverture des restaurants ?

La crise sanitaire nous a aidés à trouver le concept de notre restaurant : proposer une ouverture sur le monde. En fait, notre équipe s’est complètement disloquée à la réouverture car nos jeunes souhaitaient retourner dans leur pays. Nous avons déposé des offres partout, y compris sur les réseaux sociaux et les CFA (centres de formations d’apprentis). Je souhaitais entretenir des connexions avec le monde extérieur. J’avais repéré une annonce de Food Refugee.

Durant toute la crise, nous avons pris ces petits jeunes sous notre aile pour les former, même si nous n’avions pas beaucoup de travail à leur proposer. Nous leur avons demandé de nous faire partager leur cuisine. C’est à ce moment-là que nous avons eu envie de monter quelque chose autour de ces diverses origines. Nous travaillons avec des collaborateurs tibétains, sénégalais, franco jamaïcains, afghans, soudanais… La cuisine du monde est ainsi devenue notre reflet. Elle s’articule autour des fleurs et des épices. Notre critère de recrutement consiste à privilégier l’ouverture d’esprit.

« C’est un lieu d’échange et de partage, un lieu culturel et intellectuel. »

Votre expérience est un témoignage de la réalité de la restauration qui manque de bras. Comment le milieu peut-il à nouveau séduire les candidats selon vous ?

Nous prêtons une grande attention aux horaires. On parvient à réaliser des journées complètes, au moins deux jours sur trois. Les jeudis et vendredis, l’un observera une durée de travail entre 9h et 16h tandis que le suivant réalisera la tranche suivante jusqu’à la fermeture. La coupure, c’est cela qui est épuisant. On essaye d’être vraiment arrangeant avec les emplois du temps de chacun. Et puis, chacun a son mot à dire lors des réunions.

Votre concept est atypique tout comme le lieu du restaurant…

Nous sommes situés dans un établissement qui est un restaurant depuis 110 ans, ce qui est très rare à Paris. Auparavant, le lieu était une maison close. Nous nous trouvons à proximité de la rue des Dames. Lorsque vous entrez dans le restaurant, il y a une âme qui se dégage. C’est un lieu d’échange et de partage, un lieu culturel et intellectuel.

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